Читаем без скачивания Если душа родилась крылатой - Марина Цветаева
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PoEte
Le poe`te engage son discours de tre`s loin,Son discours engage le poe`te tre`s loin.Et par des plane`tes, des signes, par les fondrie`resDes paraboles deґtourneґes... Entre le oui et le non.Et lui-me me quand il s’envole du clocher,Il brise son crochet... puisque la voie des come`tesEst la voie des poe`tes. Des maillons eґparpilleґsDe la causaliteґ — voila` son bien! Le front leveґVous deґsespeґrez! Les eґclipses des poe`tesNe se repe`rent pas sur le calendrier.Il est celui qui bat les cartes et les fausse,Qui triche sur le poids et sur le compte,Il est celui qui, de sa place, interpelle,Et qui eґcrase la parole de Kant.Dans le cercueil de pierre des Bastilles,Il est comme un arbre dans toute sa beauteґ...Ses traces sont toujours froides, etIl est aussi ce train que tout le mondeManque...— Puisque la voie des come`tes —Est la voie des poe`tes: il bru le, il ne reґchauffe pas,Il brise, il ne construit pas — eґclatement, effraction —,Ton chemin est une ligne courbe aux cheveux longs,Il n’est pas repeґrable sur le calendrier.
Dialogue de Hamlet avec sa conscience
Par le fond, ou` sont le limon...Et les algues... Elle est alleґe dormir,La`, — et pas de sommeil, me me la`!— Mais moi je l’aimais,Plus que quarante mille fre`resNe peuvent l’aimer!— Hamlet!Par le fond, ou` sont le limon...Le limon!... Et sa dernie`re couronneEst venue se poser sur les troncs, la`...Mais, moi, je l’aimais— Plus que quarante mille...MoinsQuand me me, qu’un seul amant.Par le fond, ou` sont le limon...— Mais, moi, je —l’aimais??
La Lettre
On n’attend pas ainsi des lettres,On attend ainsi — une lettre.Un morceau de chiffon,Un filet de colleAutour. A l’inteґrieur — un mot.Du bonheur. — Et — c’est tout.On n’attend pas ainsi le bonheur,On attend ainsi — la fin:Des soldats, une salveEt, dans le cur — troisEclats de plomb. Du rouge aux yeux.Voila`. — Et — c’est tout.Pas le bonheur — je suis vieille!Les couleurs, — chasseґes par le vent!Le carreґ de la courEt le noir des fusils.(Le carreґ d’une lettre:L’encre, l’envou tement!)Pour le sommeil de la mortPersonne n’est vieux!Le carreґ d’une lettre.
Madeleine
1Entre nous: les Dix Commandements:La fournaise de dix bu chers.Le sang des miens me repousse, —Tu es pour moi — le sang eґtranger.Au temps des Evangiles, —J’aurais eґteґ une de celles...(Le sang eґtranger — le plus envieґ,Et le plus eґtranger de tous!)Vers toi, avec tous mes malheurs, —Je serais attireґe, coucheґe humblement —Clarteґ de ce que tu es! — Mes yeuxDe deґmons cacheґs, je verserais les onctions —Et sur tes pieds, et sous tes pieds,Et me me, simplement, dans le sable...Les marchands, la passion vendue,Repousseґe, — elle coule!Par la bave de la bouche, et par l’eґcumeDes yeux, et par la sueur de tous les deґlices.De mes cheveux j’enveloppe tes pieds,Comme dans une fourrure...Comme une quelconque eґtoffe, je m’eґtendsSous tes pieds... Mais, es-tu vraiment celui(Celle!) qui dit a` la creґature aux boucles de feu:Le`ve-toi, sur!
2Le flot du tissu, payeґ trois foisSon prix, et de la sueur des passions,Et des larmes, et des cheveux — le flotEntier coule, coule et LuiFixe d’un regard bienheureuxL’argile rouge et sec, et:Madeleine! Madeleine!Ne t’offre pas ainsi, tellement.
3Je ne vais pas t’interroger sur le chemin —Que tu as suivi: tout eґtait deґja` eґcrit.J’eґtais pieds nus, tu m’as chausseґDe la pluie de tes cheveux et —De tes larmes.Je ne te demande pas, — de quel prixSont payeґes ces huiles.J’eґtais nu, et des formesDe ton corps, toi, — comme d’un mur,Tu m’as entoureґ.Plus calme que l’eau, et plus bas que l’herbe,Je toucherai ta nuditeґ de mes doigts.Je me tenais droit, tu t’es pencheґe vers moi,Tu m’as appris la tendresse de ce geste.Fais-moi une place dans tes cheveux,Serre-moi dans les langes — et qui ne soient pasDe lin — Porteuse d’onctions!A quoi bon toutes ces huiles?A qui bon toutes ces huiles?Tu m’as baigneґComme une vague.Tu m’as aimeґe. La veґriteґEtait fausse. Le mensongeEtait since`re.Tu m’as aime`e — plus qu’on ne peut!Au-dela` des limites!Tu m’as aimeґe plus longtempsQue le temps. — Un revers de main,Et tu ne m’aimes plus:La veґriteґ tient en cinq mots.
Deux
1Il y a des rimes dans ce monde:On les seґpare — et il freґmit.Home`re, tu eґtais aveugle.La nuit — sur tes sourcils,La nuit — ton manteau de rhapsode,La nuit — le rideau sur tes yeux.Sans cela aurais-tu seґpareґHeґle`ne et Achille?Heґle`ne. Achille. DonneDes noms plus harmonieux.Oui, le monde est construitContre le chaos, pour l’harmonie,Et pousseґ a` la division,Il tient sa vengeance,— L’infideґliteґ des femmes —Il se venge — Troie en flammes!Rhapsode aveugle: tu as gaspilleґTon treґsor comme une chose de peu.Il y a des rimes assembleґes —Dans l’autre monde. Et notreMonde s’eґcroule dans la division. MaisQu’importent les rimes? Heґle`ne, vieillis donc!...Et le meilleur des hommes d’Achaїe!Et Sparte la voluptueuse!Il n’y a que le freґmissement des myrtes,Et le sommeil de la cithare:Heґle`ne, Achille:Une paire deґpareilleґe.
2Il n’est pas eґcrit, en ce monde,Qu’un puissant s’unisse a` un puissant.Ainsi Siegfried et Brunhild, seґpareґs,Un mariage reґgleґ par le glaive,Dans la haine fraternelle de cette union— Comme des buffles! — Roc contre roc.Il a quitteґ le lit nuptial, lui, inconnu,Elle, non reconnue — elle dormait.Seґpareґs! — me me sur le lit nuptial —Seґpareґs! — me me les mains jointes —Seґpareґs! — en notre langue double —Tardive et deґsunie — voila` notre union!Mais il est une offense encorePlus ancienne: l’Amazone abattue,Comme un lion, le fils de TheґtisN’a pas rencontreґ la fille d’Are`s:Achille n’a pas rencontreґPentheґsileґe.Souviens-toi, son regard vient d’en bas —Elle regarde comme un chevalier abattu!Son regard ne descend plus de l’Olympe —L’argile! — Et pourtant il vient d’en haut!Qu’importe cette jalousie qui seuleL’occupe: gra ce a` sa femme, il tireCela des teґne`bres. Ce n’est pas eґcrit,Il n’est qu’un eґgal — face a` un eґgal...Et nous ne nous rencontrons pas.
3Dans un monde ou` chacunS’abaisse et s’exteґnue,Je sais — un seulEgale ma vertu.Dans un monde ou` tantEt plus nous seґduit,Je sais — un seulEgale mon eґnergie.Dans un monde ou` toutEst lierre, moisissure,Je sais — un seul,Toi, — dans l’absolu,Mon eґgal.
Tentative de jalousie
C a va comment, la vie, pour vous —Avec une autre — Plus simple, non?Un coup de rame, et la meґmoire aussito t,Comme la rive, au loin s’eґcarteDe moi, le a` la deґrive, (dans le cielPas dans l’eau!). Ames! Vous serezDes surs, toutes deux, vous,Les a mes, pas des amantes!C a va comment, la vie, pour vous —Avec une simple femme? SansLes diviniteґs? Vous avez deґtro neґVotre reine (vous aussi, par la` me me),C a va comment, la vie, pour vous —Les tracas — les tendresses? Et le reґveil —Comment? Et que faites-vous, malheureux,De l’immortelle vulgariteґ?«Des affrontements, puis des sursauts —C a suffit! Je trouverai ailleurs!»C a va comment, la vie, pour vous — avecN’importe qui, vous, que j’avais choisi?Plus traditionnelle, plus mangeable —La cuisine? On s’en lasse — a` qui la faute…C a va comment, la vie, pour vous — avecUn fanto me, vous, qui avez trahi le Sinaї?C a va comment, la vie, pour vous — avecL’une ou l’autre, ici ou la`? Votre moitieґ,Vous aimez? Et la honte, comme les re nes de Jupiter,Est-ce qu’elle fouette votre front?C a va comment, la vie, pour vous —La santeґ — c a va? Et le chant — comment?Et la plaie de l’immortelle conscience,Comment la matrisez-vouz, malheureux?C a va comment, la vie, pour vous — avecVotre sous-produit? Et le prix — lourd?Apre`s les marbres de Carrare, c a vaComment, la vie, pour vous — avec la camelote,Le pla tre? (Il est sculpteґ dans la masse,Dieu, et le voici reґduit en morceaux!).C a va comment, la vie, avec la cent-millie`me —Pour vous — qui avez connu Lilith!Est ce qu’elle s’use la nouveauteґD’un article de pacotille? Las des philtres,C a va comment, la vie, pour vous —Avec la femme pratique, sans sixie`meSens?Alors, te te entre les mains: heureux?Non? Dans le fond sans profondeur,Comment c a va, mon cheґri? Pire, ouComme pour moiAupre`s d’un autre?
Amour
Le yatagan? Les flammes? C’est trop! —Plus modestement, un mal, familier,Comme la paume de mains aux yeux, —Comme le nom d’un enfant —Aux le`vres.Il est vivant, le deґmonEn moi, il n’est pas mort!Dans le corps: dans une cale,En soi-me me: en prison.Le monde: — les murs.Une issue: — la hache.(Le monde — une sce ` ne, —Balbutie le comeґdien.)Le bouffon boiteux,Lui, n’a pas heґsiteґ.Dans le corps: — dans la gloire,Dans le corps: — dans une toge.Vis longtemps! Tu esVivant, — tiens a` ta vie!(Seuls les poe`tes sont dansLeurs os: — dans leur mensonge!)Non, pas de promenade pourNous, confreґrie de chantres.Dans le corps: — dans un peignoirPaternel et douillet.Nous valons mieux. DansLe coton, nous deґpeґrissons.Dans le corps: — dans une stalle,En soi-me me: — dans un four.Nous n’accumulons pas deDenreґes peґrissables.Dans le corps: — dans un mareґcage,Dans le corps: — dans un caveau.Dans le corps: — en exilExtre me. — Deґperdition!Dans le corps: — dans un myste`re,Sur les tempes: — dans l’eґtauDu masque de fer.
Petite torche
La Tour Eiffel — a` porteґe de la main!Va, a` ta main, grimpe.Mais, tous, nous l’avons vue, etAujourd’hui la voyons, et d’autres choses,Il nous parat ennuyeuxEt pas beau, votre Paris…«Russie, ma Russie, pourquoiBru ler d’un feu si clair?»
Poeme a son fils
Notre conscience — n’est pas votre conscience.Allez — Assez! — Oubliez tout, enfants,Ecrivez vous-me mes le reґcitDe vos jours et de vos passions.Loth, et sa famille de sel —C’est notre album de famille.Enfants, reґglez vous-me mes les comptesAvec la ville qu’on veut faire passer pour —Sodome. Tu n’as pas frappeґ ton fre`re —C’est clair, pour toi, mon ange!Votre pays, votre sie`cle, votre jour, votre heure,Et notre peґcheґ, notre croix, notre dispute, notreCole`re. Serreґs dans une pe`lerineD’orphelin de`s votre naissance —Cessez de prendre le deuilPour cet Eden que vous n’avez pasConnu! Et pour des fruits — que vous n’avezJamais vus. Comprenez: il est aveugle —Celui qui vous emme`ne a` l’office des mortsPour le peuple, et qui mange du pain,Et qui vous en donnera — commeC’est rapide, de Meudon au Kouban…Notre querelle — n’est pas votre querelle.Enfants, creґez vous-me mes vos propresDeґsaccords.Je te remercie, cher fide`le bureau!Tu m’as donneґ ton arbrePour devenir bureau — etTu restes — un arbre vivant!Avec ce jeu de jeunes feuillagesAu-dessus des sourcils, cette eґcorce vivante,Les larmes d’une reґsine vivante, etDes racines jusqu’au treґfonds de la terre.
Jardin